Alors que les thématiques de l'accès aux données de santé des patients par les médecins ou les patients via un système de dossier médical personnalisé (DMP) sont plus que jamais d'actualité, nous revenons sur l’expérience du Portland VA Medical Center que nous avons trouvé pleine d'enseignements. Derrière l'usage médical de ces données, nous retenons avant tout la volonté des patients de devenir acteurs de leur santé avant d'être consommateurs... De 2000 à 2010, le département américain des vétérans a permis à près de 7500 patients volontaires d’accéder à l’intégralité de leur dossier médical en ligne par le biais du programme pilote MyHealtheVet. Les patients enrôlés pouvaient accéder électroniquement aux notes et rapports cliniques, notes de congé d’hôpitaux, listes des symptômes, signes vitaux, traitements en cours, allergies, rendez-vous, résultats des tests de laboratoires et d’imagerie... Ceux-ci pouvaient également entrer manuellement des données personnelles telles que la pression sanguine, le taux de sucre sanguin, ou leur poids.
Dans son étude, Susan Woods, médecin du département R&D du Portland VA Medical Center (VA pour Veterans Affiairs, le département des vétérans) s’est penchée sur l’expérience des patients accédant à leur dossier médical en ligne via les points de vue et retours de 30 patients et 6 membres de la famille de patients qui ont été collectés au travers de 5 groupes de discussion.
Une meilleure communication patients-professionnels de santé
D’après les patients interrogés, l’un des bénéfices de ce programme est une meilleure communication avec les professionnels de santé. L’accès au dossier médical en ligne est décrit comme un moyen de communication supplémentaire évitant au patient de se remémorer les conseils prodigués par un médecin lors d’un rendez-vous datant d’il y a plusieurs mois. Les patients répondants ont également annoncé un meilleur suivi des rendez-vous médicaux programmés, et poser des questions plus pertinentes lors de ces rendez-vous. Ils ont également pu coordonner plus efficacement les soins dépendants et indépendants du département des vétérans qu’ils recevaient. L’intégralité des dossiers médicaux... Bien que globalement positifs, les retours des patients ont permis de mettre en lumière des points sensibles. Un faible nombre de patients a mentionné un vocabulaire désobligeant les désignant dans certaines notes cliniques. D’autres éléments négatifs ont été cités par quelques patients comme le stress ressenti par la femme d’un vétéran opéré à la lecture du compte rendu d’opération. Ces éléments dont assez logiques finalement, car davantage l'on en sait, plus on est susceptible de s'inquiéter... Une meilleure connaissance de son dossier médical, encourage-t-elle à l’auto-médication ? Dans l’intégralité des 5 groupes de discussion crées, des patients indiquaient utiliser internet pour en apprendre plus sur les diagnostics pratiqués, les tests réalisés ou les abréviations contenues dans les rapports lus. Si les informations glanées lors de leurs recherches ont permis à certains patients de mieux préparer leurs rendez-vous médicaux, d’autres ont substitué ces recherches à des rendez-vous. Ce point est plutôt inquiétant, et montre ainsi l'enjeu du partage des informations médicales précises du patient qui a des avantages, des limites, mais présente également des risques. Il semble logique que ce type de démarche devrait être accompagné d'une profonde éducation des patients sur la conduite à tenir en cas de question...
Vers un patient 2.0
De manière générale, cette étude montre que les patients disposant d’un accès complet à leur dossier médical ont été plus impliqués. Ceux-ci suivaient plus facilement leurs traitements et leurs rendez-vous. Ils s’informaient davantage sur leurs problèmes de santé et pouvaient en discuter avec des professionnels de santé. Ces constatations s’appliquent tout particulièrement à une nouvelle génération de patients connectés qui s’informent toujours plus sur les thématiques de santé. Reste à connaître le point de vue du personnel médical sur l’accès au dossier médical, l'éventuelle surcharge de travail de leur coté pour remplir des interfaces informatisées, les volontés publiques et sanitaires de systématiser ces pratiques... Du coté français, à quand de telles pratiques ? Quelle démarche et quel accompagnement pour les patients, les professionnels de santé ? A suivre....